Question d’un élu : « Peut-on communiquer des informations aux salariés alors que notre employeur nous a dit qu’elles étaient de nature confidentielle ? »
Cette question est assez fréquente lors de nos sessions de formation. Il s’agit principalement pour les élus de savoir ce qu’ils peuvent divulguer aux salariés et sous quelle forme. Rappelons quand même que la communication des élus avec les salariés est quasiment génétique pour les représentants du personnel, néanmoins, cette communication subit des limites fixées par la loi.
Un élu, ça doit communiquer !
Le mandat ne se cantonne pas à informer les salariés sur les réductions des places de cinéma, ou encore des cartes cadeaux, bonbons, cacahuètes etc.…
Trop souvent, la communication est négligée ou les élus se contentent de la divulgation des procès-verbaux des réunions. Pourtant, rien n’interdit aux élus de tenir informé les salariés des actions en cours où celles qui ont été menées. Il est nécessaire de prendre le temps d’expliquer vos démarches, de rendre compte aux salariés de vos postures collectives vis-à-vis de l’employeur notamment grâce à vos moyens à disposition.
Les moyens à disposition pour diffuser vos informations.
Pour un comité moyen, les contacts directs avec les salariés, les permanences hebdomadaires, les panneaux d'affichage et un éventuel accès à l'intranet et/ou à la messagerie de l'entreprise peuvent suffire. Un comité plus important pourra par exemple juger utile de se doter d'un site Internet, de diffuser un journal d'information, etc.
A ce propos, la communication écrite est préférable dans le sens où les informations circulent vite dans l’entreprise. Un mot ou un message rapidement donné peut amener des interprétations nocives voire créer des tensions en interne.
Nouvelles technologies obligent…Un site internet, un kiosque sur l'intranet de l'entreprise, une adresse mail propre au CSE..., il y a de quoi faire pour un comité d'entreprise, d'autant que les salariés ne travaillent pas forcément tous sur le même lieu de travail.
Mais attention, pour certaines actions, le CSE a besoin de l'accord de l'employeur. C'est notamment le cas s'il veut envoyer des mails sur les adresses professionnelles des salariés.
Dans tous les cas, l’indépendance numérique des élus reste un gage de confiance et de transparence vis-à-vis des salariés.
Que se soit par écrit ou dématérialisé, les élus ne peuvent diffuser des informations dites « confidentielles ».
Informations confidentielles ou pas confidentielles ?
Afin de protéger l'entreprise contre toute fuite d'informations stratégiques, le code du travail prévoit que tous les membres du CSE sont soumis : d'une part, à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l'employeur ; d'autre part, au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication.
La loi fixe également une liste d’informations automatiquement confidentielle. Il s’agit notamment des documents de gestion prévisionnelle que certaines sociétés sont tenues d'établir et de mettre à la disposition du CSE dans la base de données économiques et sociales ou encore des informations communiquées au CSE ou à la commission économique dans le cadre d'un droit d'alerte économique.
Ainsi, on ne peut pas considérer l’ensemble des informations comme confidentielles. Pour le reste, il convient de vérifier si la nature de l’information peut porter atteinte à l’intérêt de l’entreprise. Il peut s'agir d’un projet de création d’un nouveau produit, d’une implantation géographique stratégique, d’un appel d’offre. Par contre, les informations qui portent sur une réorganisation de l’entreprise, du type, modification du temps de travail ou encore projet de licenciement collectif échappent à la logique économique et concurrentielle de l’entreprise…
« C'est à l'employeur qu'il revient d'établir que la confidentialité est nécessaire au regard des intérêts légitimes de l'entreprise. Un risque de mauvaise ambiance dans l'entreprise, ce n'est pas suffisant pour justifier la confidentialité » ( Cass. soc., 5 nov. 2014, n° 13-17.270).
Malgré les contours de cette obligation de confidentialité qui pèse sur élus, la récente loi sur le secret des affaires devrait accentuer cette obligation.
Et la nouvelle loi sur le secret des affaires ?
Pour l’heure, des groupes politiques à l’assemblé national ont déposés hier un recours devant le Conseil constitutionnel sur la loi relative à la protection du secret des affaires. Cette future loi tend à définir la notion large de « secret » et encadre très durement les personnes capables de recevoir ces informations et les modalités de divulgation.
Ce nouveau régime de protection du secret des affaires, instaure un nouveau régime permettant d’engager la responsabilité des représentants des salariés.
En substance, les élus ou mandatés ne pourront divulguer aux salariés que des informations obtenues « dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants » et lorsque la « divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice »
En somme, ce nouveau texte de loi nous amène à faire le constat d’un "dédoublement d’obligations et de responsabilités par rapport aux obligations actuelles (...) et cela risque de dissuader toute communication d’informations aux salariés...".